Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...

L'Homme quantique

L'Incal et Lacan

Je n'en ai pas fini de digérer Lacan (je n'insiste pas sur le symbole...) bref, à la suite de l'article d'hier, toujours à la fin de ce premier séminaire, Lacan livre le petit schéma suivant:

"À tout hasard, je vous ai mis au tableau ce petit diamant qui est une sorte de dièdre à six faces.
Alors, si nous concevons ceci que le plan médian, celui dans lequel il y a le triangle qui partage en deux cette pyramide, est, si vous voulez, la surface du réel. - Dans cette surface du réel, je parle du réel tout simple. - Rien, si vous voulez, ne peut le franchir, rien de ce qui est là, et là toutes les places sont prises, à chaque instant toutes les places sont prises. Et à l'instant suivant, tout est changé.
Il est bien clair qu'avec notre monde de mots et de symboles, nous introduisons là-dedans - si nous appelons le réel une deuxième dimension - autre chose, un creux, un trou, quelque chose grâce à quoi toutes sortes de franchissements et de choses interchangeables sont possibles.
Comme on l'a fait remarquer ; cette sorte de trou, dans le réel, s'appelle, selon qu'on l'envisage d'une façon ou d'une autre, l'être ou le néant.
Cet être et ce néant, nous l'avons déjà tout de même touché à plus d'une reprise, sont essentiellement liés précisément à ce phénomène de la parole. C'est dans cette dimension de l'être que se situe la tripartition, sur laquelle j'insiste toujours avec vous pour vous faire comprendre les catégories élémentaires sans lesquelles nous ne pouvons rien distinguer dans notre expérience, tripartition du symbolique, de l'imaginaire et du réel."

Je le comprends comme ceci: par le langage, nous creusons le réel d'un côté, et nous créons notre Etre de l'autre (l'Etre et le Néant). Cette construction du sujet possède 3 faces (une pour chaque plan : Symbolique / Imaginaire / Réel).
Mais il y a certainement une différence entre le réel servant de base à la figure, et cette face de notre Etre, que je parviendrais sans doute à appréhender dans la suite des séminaires.
Cette idée d'une construction concomitante d'un Etre et d'un trou (comme un tas de sable que l'on formerait en creusant une fosse) me fait penser à une réflexion d'un de mes premiers articles (l'effacement de Dieu): nous nous construisont toujours autour d'une aporie, d'un manque initial, en réponse à un manque.
En électronique, nous pourrions parler d'une conduction par trou.
D'autre part, cette construction me semble respecter (à un niveau symbolique, certes) la conservation de l'énergie (rien ne se perd, rien ne se créé, tout se transforme, comme l'a dit Lavoisier).

Mais c'est la figure même de Lacan qui m'a rappelé celle de l'Incal d'Alexandro Jododrowsky et de Moebius (je m'adresse aux aficionados de BD et de SF)

Bien sûr, l'Incal m'a pas la même forme (il est à base carrée et ses 4 coins, représentés chacun par un personnage de l'histoire, sont en opposition Yin - Yang), mais cette dialectique entre l'Incal Noir et l'Incal Lumière qui se fondent ensemble rappelle un peu ce dont il s'agit ici. Et puis ce nom même d'Incal est presque un anagramme de Lacan, non ?
Je me demande s'il n'y a pas ici plus qu'une coïncidence. Si l'un d'entre vous connait les auteurs, qu'il m'en informe.
Sur ces fortes paroles, je vous laisse pour répondre à l'appel de mon ventre qui crie famine et me demande de puiser un peu en ce bas monde pour le remplir à son tour.
Bonne méditation et bonne digestion.
 
Hari
 
Note du 04/ 09/ 2022 :
Je ne sais pas pourquoi ce texte a été relu par certains ces derniers temps, cela me donne l'occasion de le redécouvrir moi-même.
1/ Il faudrait que je retrouve précisément la référence au texte de Lacan.
2/ À l'époque, je tentais d'articuler ma pensée en référence à quelques bribes de philo surnageant dans ma tête, comme ici la balance entre l'être et le néant me raccrochait à Sartre, ou plus généralement à l'idée duale du Yin Yang  / dans d'autres articles.
Aujourd'hui je parle plus volontiers d'une oscillation entre l'objet final (le nouvel "être", au niveau [∃] de l'Imaginaire) et l'objet initial (le vide au niveau [∅]); et j'étais loin de comprendre qu'il s'agissait d'une rupture épistémologique avec une pensée héritée de Platon... (voir "Retour à Platon et Aristote").
3/ Je retrouve cette idée d'un "trou à combler", qui aujourd'hui me rappelle le problème de Monge, évoqué par Cédric Villani dans l'un de ses cours (voir "La narration en Relativité"). Considérer que ce "remplissage" d'un trou suive un principe de moindre action : voilà sans doute la bonne perspective pour introduire notre "entropologie", dans des termes qui n'auraient pas perverti l'intention de Lévi-Strauss...
4/ Enfin ce rappel à l'Incal me fait penser à un autre rapprochement : ma façon de représenter le Sujet par un symbole double pour différencier les postures ex ante 𓁝 et ex post 𓁜 (i.e.: ([∃]𓁝𓁜[∅])𓂀) rappelle les personnages doubles de l'incal, comme l'Impéroratriz :

ou Solune, son nouvel avatar :

Tu remarqueras le vide au coeur de Solune...

5/ Concernant le texte de Lacan, je m'étonne encore de sa pertinence :

"... autre chose, un creux, un trou, quelque chose grâce à quoi toutes sortes de franchissements et de choses interchangeables sont possibles."

N'est-ce pas là très précisément ce qui définit l'objet initial ?

- Il y a malgré tout un bémol: comment mettre côte à côte (et dans quel espace) le Réel, le Symbolique et l'Imaginaire, puisque les deux premiers termes ne peuvent qu'être "imaginés" ?

- Oui, je le sais bien, puisque tout notre développement vise à surmonter cette contradiction logique en relativisant le discours (...) portant sur le Réel  ou le Symbolique  d'un Sujet  𓁝𓁜 par rapport à la posture de son auteur 𓂀 comme à celle du Sujet 𓁝𓁜 en question.

- Soit plus explicite !

- Le Réel comme le Symbolique échappent à un Imaginaire conçu (par Freud) comme un "feuilleté", dont nous avons identifié les différents niveaux de cristallisation. les niveaux extrêmes étant [∃] et [∅], dont nous venons de parler.

Or donc, l'auteur Lacan 𓂀L nous explique que pour un Sujet 𓁝𓁜 :

  • Son Réel  est en deçà de la frontière [∃] de son Imaginaire: ([∃]𓁜)𓂀L
  • Son Symbolique  est au-delà de la frontière [∅] de son Imaginaire:  (𓁝[∅])𓂀L

Cependant, bien que ces concepts échappent par définition à l'Imaginaire du Sujet  𓁝𓁜, il faut malgré tout que l'auteur "en parle", dans une posture nécessairement ex post (...)𓂀L. En s'y référant, il ne peut que les "représenter", par des objets de son propre Imaginaire. Dit autrement: Il y a quelque part dans son cerveau quelques synapses (dans la zone du langage, voir mes derniers articles sur Dehaene) qui lui permettent de s'y référer.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
C
<br /> Blog(fermaton.over-blog.com), No-30. - THÉORÈME DE L'IGNORANCE. - Gödel ou Asimov ?<br />
Répondre